C’était en juin dernier. On venait tout juste d’atterrir à Chicago. Heureux, fébriles.
On attendait en rang comme des enfants dans une cour d’école au retour de la récréation, quand quelque chose m’interpelle, une énergie pas le fun à ma droite. Devant la file des gens « détenant un Passeport Américain», une douanière très peu sympathique crie un gros « next » bien gras et blasé.
Un homme mexicain s’approche d’elle, souriant, lui précisant timidement qu’il ne parle pas super bien Anglais. Elle switche aussitôt en Espagnol et adopte un ton hautement désagréable, qui dépasse la condescendance. Un ton agressant.
Je vous traduis le dialogue, en Québécois :
- Bonjour Madame, je parle peu Anglais, en Espagnol c’est mieux.
- Tu parles pas Anglais ? (sous-texte : criss de cave)
- Très peu.
- Ça fait combien de temps que tu vis ici ? (pis que tu profites de notre système)
Il demeure poli, d’une gentillesse extrême :
- Deux ans madame.
Elle poursuit sur sa lancée en haussant le ton pour s’assurer que les regards braqués sur lui se multiplient :
- Deux ans. Pis ça t’a jamais tenté d’apprendre la langue d’ici ?
Il baisse la tête, honteux comme s’il avait commis une faute grave.
Elle renchérit, avec un mépris dégoûtant, sans aucune humanité :
- Faque en deux ans t’as pas eu le temps de prendre des cours ? Tu penses pas que c’est important, c’est ça ? Moi j’en ai pris des cours, regarde, je te parle en Espagnol, là. Tu penses pas que c’est à ton tour de faire des efforts ? Après DEUX ANS faudrait peut-être que tu commences à y penser.
Elle le garde en otage, ne lui rendant pas son passeport, le regarde de haut, avec dégoût.
J’étais à quelques mètres de l’homme et je pouvais sentir son désarroi, sa peine, son incompréhension.
Elle lui rend finalement son passeport. Il lui lance un doux et quasi silencieux « merci ».
Elle cherche un complice pour échanger un regard de « les esti d’immigrants han ?! » .
Comprenez-moi bien, je crois, bien sûr, qu’il est important que quelqu’un qui immigre dans un pays fasse un maximum d’efforts pour apprendre la langue qu’on y parle, bien évidemment. Mais je suis totalement contre toute forme d’intimidation, surtout quand elle est nourrie par un racisme pourri.
Alors je me dis que cette douanière a du faire le gros party le 8 novembre. Un gros party sale. Elle devait être très excitée de penser au fun qu’elle va pouvoir avoir avec « les races ». Je suis certaine que dès lundi prochain, on pourra – dès le début de son shift – la voir ordonner à un Mexicain de faire des push up en hurlant le plus dégueulasse des « FASTER », un pied appuyé contre le dos de sa victime, lui crachant dans le cou. Elle se dit, enfin criss, America’s great again.